“Une étoile qui meurt est pareille à tes lèvres, elles bleuissent comme le vin répandu sur la nappe“.
L’idée fixe, Robert Desnos.
(…) En 1990, Laurent Esquerré crée sa première pièce en céramique Le Singe à la Tulipe. Mais, s’adonne réellement à cette technique en 2000 après un séjour à Naples. Très vite, il s’oriente vers la sculpture et choisit comme support privilégié la terre. (…) Ses céramiques sont des créations à part entière. Jamais identiques, il s’empare de la technique et pétrit plus d’âme que d’argile. L’essentiel n’est pas de s’ancrer dans un savoir-faire. Ne nous méprenons pas. Le désir de simplicité, le plaisir de créer demeurent. Ses sculptures témoignent autant que sa peinture de l’importance du dessin révélant dans son oeuvre esthétisme, équilibre des formes.
Ses thèmes de prédilection sont le crâne, les animaux, les fragments corporels, les éléments organiques. En 2001, Laurent Esquerré propose pour l’exposition Tempête sous un Crâne une danse macabre faite de crânes ayant appartenu à des Géants. Posés à même le sol, émaillés de bleu de cobalt sombre et profond, ils sont les souvenirs lointains des légendes et mythes orphiques. En 2003, la nouvelle Le Scarabée d’Or d’Edgard Poe l’inspire. Elle devient tour à tour dessins, bijoux et céramiques. A travers ces dernières, couvertes d’émail métallisé, il se plaît à inventer sa propre énigme : unir l’insecte et la tête de mort en une seule et même pièce. De cette union, la tête de mort semble parfois vaniteuse, songeuse et n’ose se dévoiler qu’au regard initié. Dans ce travail perdure la dualité de vie et de mort. Au crâne, symbole immuable, se mêle le renouveau caractérisé par des oiseaux, des fleurs… La métaphore mortuaire est sublimée.
Les formats sont de plus en plus importants. Se retrouvent, à taille humaine, des lapins « monstrueux ». Leurs cous, disproportionnés, disparaissent derrière un amoncellement de roses des sables. A l’image des hommes, ils s’amusent, s’embrassent, crient, grimacent. Pour le sculpteur, la fable est prétexte à représenter des êtres hybrides, des associations d’images insolites où l’animal « miroir » est un substitut d’humanité.
Cette exposition dédiée à la céramique de Laurent Esquerré, est présentée autour du retable baroque de la Chapelle de la Miséricorde. Il invite le spectateur à pénétrer dans un univers onirique. On peut ainsi mesurer combien l’artiste a su rendre à la céramique sa capacité à renouveler l’imaginaire tout en conservant une place singulière dans l’art contemporain. (…) Une sculpture de son temps oscillant entre tradition et modernité, entre certitudes et doutes.
Julie Marzat – Extrait du catalogue d’exposition sous la direction de Yves Peltier – Somogy Éditions d’Art – 2006